Le Conjoncteur-Disjoncteur
        Par André BAR
(Moto-Magazine 5 août 1950)

Comme son nom l’indique, il s’agit d’un appareil pouvant ouvrir ou fermer la ligne dynamo-batterie.

Quelle est sa raison d’être ?
Supposons un instant que la dynamo soit raccordée positivement et de façon constante à la batterie. Or nous savons qu’à la vitesse de rotation zéro, la tension aux bornes de la dynamo est aussi égale à zéro. Nous avons donc, dynamo arrêtée, un générateur (la batterie) sous tension relié à un appareil inerte. Nous savons aussi que si l’on relie une dynamo directement à une batterie (et c’est le cas de notre hypothèse) la dynamo se met à tourner en moteur dans son sens normal de rotation.

Schéma du conjonteur-disjoncteur

1.(D) Borne raccordée à la ligne de débit de la dynamo. – 2. Bobinage fil fin raccordé à la masse. – 3. La masse (carcasse de la dynamo ou cadre de la moto). – 4. Pivot de l’armature. – 5. Armature ou palette mobile. Le ressort de rappel, poussant le contact 6 vers le haut n’est pas dessiné. – 6. Contact mobile. – 7. Contact fixe. – 8. Bobinage gros fil monté en série dans la ligne dynamo-batterie. – 9. Ligne de débit vers la batterie. – 10. (A) Borne de débit, vers la batterie, raccordée en général à l’interrupteur-distributeur logé dans le phare. – 11. Ligne de débit. – 12. La lampe de témoin de charge.

Nous voilà donc en train de lancer du courant dans un appareil, appareil dont le passage de ce courant veut provoquer la rotation, mais appareil bloqué par le moteur de la moto à l’arrêt. Dans ces conditions (induit immobilisé) la dynamo absorbe un courant d’une intensité telle qu’elle est condamnée à griller en peu de temps. De ceci ressort la nécessité de pouvoir couper la liaison entre la batterie et la dynamo, non seulement quand cette dernière est à l’arrêt, mais aussi dès que sa vitesse de rotation retombe à un point tel que la tension entre ses bornes devient inférieure à celle de la batterie. Ce sera le rôle de l’appareil en tant que disjoncteur. Mais si l’on coupe cette liaison durant ces périodes critiques, encore faudra-t-il pouvoir la rétabli dès que, sa vitesse de rotation devenant suffisamment élevée, la tension aux bornes de la dynamo remonte au-dessus de celle de la batterie ; ceci puisque la dynamo se trouve à bord pour maintenir la batterie en état constant de bonne charge. Cette partie du travail sera réalisée par le conjoncteur. En réalité, les éléments « disjoncteur » et « conjoncteur » se trouvent réunis en un seul appareil, de la dimension d’une ou deux boîtes d’allumettes, tout au plus, et qu’on trouvera sur la ligne, à la sortie du régulateur, entre celui-ci et la batterie.

Description de l’appareil
Il se compose, comme beaucoup d’autres, d’un électro-aimant constitué du noyau, d’une armature mobile, d’un bobinage fil fin à grand nombre de spires, et d’un bobinage gros fil en comportant très peu. Le bobinage fil fin est monté « comme un voltmètre » entre la ligne de débit de la dynamo et la masse. Le bobinage gros fil est monté « comme un ampèremètre » dans la ligne de débit de la dynamo. Il sera donc influencé par le courant débité par la machine, tandis que le bobinage fil fin sera influencé par la tension se manifestant entre les bornes de la dynamo. Lorsque nous mettons le contact, la lampe-témoin s’allume. Cela signifie qu’à ce moment, la batterie envoie par cette lampe, du courant à travers la dynamo. La résistance de cette lampe est telle qu’aucune avarie n’est à craindre pour la génératrice. Le moteur étant en marche, la lampe-témoin, va s’éteindre dès qu’il tourne plus vite qu’au ralenti.

Son fonctionnement
Dès la mise en marche du moteur, les contacts du conjoncteur-disjoncteur étant maintenus ouverts sous l’action d’un ressort qui soulève l’armature porte-contact mobile, le faible courant débité par la génératrice trouve « une porte de sortie » par le bobinage fil fin. Les contacts viennent de se fermer. La lampe-témoin s’est éteinte. Tension de fermeture, 6,7 volts. La dynamo charge la batterie et le ferait sans limite, sans ménagement, s’il n’y avait le régulateur.

   

Mais le passage de ce courant dans ce bobinage a pour effet de créer un flux magnétique dont la valeur croît avec la tension de la génératrice. C’est ainsi qu’à partir d’une certaine vitesse de rotation, disons 500 tours-minute, l’attraction exercée par le noyau sur l’armature est suffisante pour provoquer la fermeture des contacts. A partir de ce moment, le courant parcourant le bobinage gros fil donne naissance à une action magnétique qui renforce l’effet du bobinage fil fin, et les contacts n’en restent que mieux appliqués l’un contre l’autre. A partir de ce moment, aussi, la liaison dynamo-batterie est établie, et la dynamo envoie du courant dans la batterie. L’appareil est évidemment réglé pour que la fermeture des contacts ne se produise que lorsque la tension de la dynamo est, à coup sûr, supérieure à celle de la batterie. La lampe-témoin, dont nous avons parlé plus haut, s’éteint au moment où les contacts se ferment, car entre les deux points où elle est raccordée, il n’existe plus alors de différence de potentiel. La ligne de la lampe-témoin devient donc à ce moment une rivière où l’eau reste immobile, parce qu’il n’existe plus de différence de niveau entre les deux extrémités de cette rivière. La tension aux bornes de la dynamo est retombée en dessous de la tension de fermeture ; les contacts s’ouvrent, la dynamo est « mise à l’abri » du courant de la batterie. La  lampe-témoin s’est rallumée.

                                          

Tout ceci concerne donc la fermeture des contacts, la « conjonction » entre dynamo et batterie. Que va-t-il se passer lorsque, sa vitesse diminuant suffisamment, la tension aux bornes de la dynamo redevient inférieure à celle de la batterie ? On le devine sans peine. Lorsque cet état se produit, la batterie redevient « la plus forte » et pousse du courant vers la dynamo. Le courant s’inverse dans la ligne et le bobinage gros fil. La polarité du noyau s’inverse, il se « démagnétise », l’action du ressort de rappel des contacts redevient prépondérante. Ceux-ci s’écartent, et la ligne batterie-dynamo est coupée. La dynamo est « mise à l’abri » aussi longtemps que sa tension reste inférieure à celle de la batterie. La lampe-témoin  est allumée.

Le fonctionnement des contacts
Nous avons parlé, à propos des contacts du régulateur, de fonctionnement vibratoire. Il n’en est pas de même ici. On se souviendra que l’effet magnétique provoquant la fermeture des contacts n’est engendré que par le bobinage fil fin, uniquement. Ce qui signifie que pour réaliser cette fermeture des contacts, la dynamo devra tourner à une allure déjà assez grande, que nous avons chiffrée par 500 tours-minute. Lorsque les contacts sont fermés, l’action du bobinage gros fil s’ajoute à celle du fil fin. C’est-à-dire que, avant que l’aimantation engendrée cette fois par les deux enroulements (contacts fermés) devienne plus faible que celle engendrée par le seul bobinage fil fin, la vitesse devra tomber plus bas que la vitesse de fermeture. On arrivera, pour notre exemple, pas bien loin de 400 tours-minute, pour que l’action magnétique permette au ressort d’écarter les contacts. Ceci montre que le fonctionnement de ces derniers sera tout différent de celui des contacts du régulateur. On aura ici des fermetures et des ouvertures nettes, chacune de longue durée, suivant les variations de régime imposées au moteur par les conditions de roulage. On retiendra de ce qui précède que le conjoncteur-disjoncteur est absolument incapable de protéger la batterie contre une surcharge intempestive provenant, nécessairement de la dynamo. Aussi longtemps que la tension de la dynamo est égale ou supérieure à la tension de fermeture des contacts du conjoncteur-disjoncteur (environ 6,7 volts), ceux-ci restent fermés et la dynamo envoie du courant dans la batterie. La mission de protection de la batterie –et aussi de la dynamo- incombe, nous l’avons vu, au régulateur. Il faut bien se pénétrer de ce qui précède. La seule mission de protection que peut réaliser le conjoncteur-disjoncteur est de mettre la dynamo à l’abri du courant venant « en retour » de la batterie, à certains moments précisés plus haut.

Détail d’un conjoncteur-disjoncteur séparé.
D. Borne « dynamo ». B. Les contacts. G. La ligne série, gros fil. K. Lamelle faisant office de ressort. H. Bobinage série. A. Borne « batterie ». F. Fin de la ligne série. E. Mise à la masse du bobinage fil fin (sous la plaque isolante C). C. Plaque isolante.