Le Graissage du Moteur
par André Bar
(Moto Magazine 30 juillet 1949)
L’utilité du graissage de n’importe quel ensemble mécanique est une chose évidente par elle-même. On ne peut en effet concevoir deux pièces en contact constant et dont l’une serait fixe et l’autre mobile, glisser « à sec » l’une sur l’autre. Ce serait impossible. Tout d’abord, par suite de la résistance opposée par la friction de ces deux pièces. Or, si polie que semble une surface métallique, elle n’en présente pas moins, vue au microscope, des milliers de petites aspérités. C’est donc par accrochage réciproque des aspérités tapissant l’extérieur des pièces en question que se manifeste leur résistance au frottement, dont le coéfficient à sec est très élevé.
Le circuit primaire de graissage (carter sec)
Réservoir d’huile. – H. Filtre au départ. – I. Tuyauterie d’aspiration de la pompe primaire. – M. Pompe primaire. – O. Tuyauterie de refoulement vers le moteur. – T. Engrenage calé en bout d’arbre des pompes. – U. Vis sans fin calée en bout du vilebrequin. – V. Canal foré dans le vilebrequin et un des volants vers la tête de bielle. – W. Dérivation pour graissage de la culbuterie. – Y. Tuyauterie de raccordement au boîtier de culbuterie. – X. Retour d’huile par les gaînes des tiges-poussoirs.
En outre, si l’on s’obstinait à faire travailler des organes mécaniques dans les conditions ci-dessus, on provoquerait bientôt, par suite de la friction, un échauffement exagéré et dangereux des pièces pouvant aller jusqu’au grippage.
Le grippage est le phénomène par lequel, à la suite d’un manque d’huile, deux pièces s’échauffent à un point tel que l’une d’elles au moins se met à fondre et se colle à l’autre en certains endroits. Exemple : grippage du piston dans le cylindre, grippage d’une tige de soupape encrassée dans son guide.
Il est donc indispensable d’avoir toujours une pellicule d’huile en circulation entre les diverses pièces en mouvement. En outre, si la présence de cette huile en mouvement diminue dans de grandes proportions la résistance provenant des frottements, il est intéressant de noter qu’elle contribue au refroidissement interne du moteur.
A la condition d’être toujours en mouvement, la pellicule d’huile évacuera sans cesse vers le réservoir d’huile les calories qu’elle aura prélevées aux divers endroits internes du moteur, où sa présence est nécessaire, et où précisément l’action du système de refroidissement proprement dit, à l’air ou à l’eau, est incapable de s’exercer.
Dans cet ordre d’idées, nous citerons pour mémoire qu’il a existé un certain type de moteur de motocyclette, dans lequel la face intérieure de la tête du piston était refroidie sans cesse par un jet d’huile fraîche dirigée depuis le carter jusqu’à la cavité du piston.
Nous ajouterons encore que l’huile et les segments assurent l’étanchéité et la bonne compression du moteur.
Tous les systèmes de graissage du moteur employés de nos jours appartiennent à la catégorie des graissages « sous pression », dans lesquels l’huile est envoyée par une pompe, donc sous pression, aux divers organes principaux.
Les avantages du graissage sous pression sont les suivants : ils permettent d’envoyer aux paliers du vilebrequin et au roulement de la tête de bielle un grand volume d’huile, assurant, en même temps qu’un graissage constant et impeccable, l’évacuation de la chaleur.
Les pompes
Comme nous venons de le dire, tous les systèmes employés de nos jours ont recours à l’un ou l’autre type de pompe pour envoyer l’huile sous pression à travers le vilebrequin et dans le moteur proprement dit.
Il y a trois catégories de pompes : les pompes à piston, les pompes à engrenages et les pompes à palettes.
Fig. 1. Pompe à piston alternatif. – 1. Arbre de commande de l’excentrique.- 2. Disque de l’excentrique. – 3. Excentrique s’engageant dans la gorge 4 du piston. – 4. Gorge taillée dans la partie supérieure du piston. – 5. Partie du piston s’engageant dans le cylindre de pompe. – 6. Cylindre ou corps de pompe, fixé par 2 écrous au flan extérieur du carter du moteur. – 7. Chambre de pompe. – 8. Bille ou clapet d’admission, et son ressort de rappel. – 9. Tuyauterie amenant l’huile du réservoir. – 10. Bille ou clapet de refoulement et son ressort de rappel. – 11. Tuyauterie de départ de l’huiler vers le moteur.
Les pompes à piston
C’est une application de la pompe aspirante et foulante dont on nous exposa le principe à l’école primaire.
La pompe à piston alternatif (voir fig. 1)
Il peut paraître paradoxal de parler de « piston alternatif ». C’est que nous verrons tout à l’heure que, dans certaines pompes à piston, celui-ci est tout d’abord animé de son mouvement de va-et-vient et qu’en outre il tourne en même temps toujours sur lui-même. C’est pourquoi nous garderons l’appellation de « pompe à piston alternatif » au type étudié en ce moment.
A l’extrémité du vilebrequin d’un arbre de la distribution ou d’un petit arbre spécialement prévu à cet effet, se trouve monté un excentrique (3). Celui-ci pénètre dans une gorge taillée dans la partie supérieure du piston de pompe (4). Le piston pénètre dans le corps de la pompe (6) et la rotation de l’excentrique va ainsi tantôt le soulever, tantôt le faire redescendre.
Aspiration. – Quand l’excentrique soulève le piston, une aspiration se manifeste dans la chambre de pompe (7), qui augmente de volume. L’huile venant du réservoir soulève la bille d’admission (8) et pénètre dans la chambre de pompe, qui se remplit aussi longtemps que le piston monte. Lorsque le piston est parvenu au point le plus élevé de sa course, l’aspiration cesse et la bille (8) est ramenée sur son siège par son ressort de rappel.
Refoulement. – Quand le piston est poussé vers le bas par l’excentrique (3), l’huile enfonce la bille de refoulement (10) et s’échappe vers le moteur. Lorsque le piston atteint le point le plus bas de sa course, la bille est ramenée sur son siège par son ressort de rappel et la pompe est prête à recommencer son cycle de travail.
Débit. – De ce qui précède, on remarque que le débit de la pompe à piston alternatif, comme d’ailleurs de celui de toutes les pompes à piston, est pulsatoire.
Fig. 2
Vue extérieure d’une pompe double à piston alternatifs montée en bout du vilebrequin.
La pompe à piston rotatif (voir fig. 3)
Dans ce type, le piston, au lieu d’avoir la forme cylindrique d’un bout à l’autre, est découpée dans le sens vertical, du côté de la chambre de la pompe. A l’autre extrémité, il est solidaire d’un engrenage à taille droite ou hélicoïdale.
Cet engrenage est toujours en prise avec une vis calée au bout du vilebrequin, ce qui a pour effet de communiquer au piston un mouvement continu de rotation sur lui-même, tant que le moteur est en marche. Sa vitesse de rotation sera donc toujours proportionnelle à celle du vilebrequin.
En outre, le corps de pompe est muni d’un ergot venant se loger dans une gorge se présentant sous la forme d’une rampe hélicoïdale, montante-descendante, fraisée dans le flanc du piston.
La rotation du piston, combinée avec le passage de tous les points de la gorge sur l’ergot fixe T, auront pour effet de communiquer au piston un mouvement alternatif de haut en bas et de bas en haut. Voici comment.
Aspiration – Sur la figurine I. le point B -le plus bas de la gorge– passe en face de l’ergot fixe T. Le piston, qui tourne dans le sens de la flèche dessinée sous la gorge, commence à descendre. La chambre de pompe K, formée par l’espace compris entre le fond du corps de pompe et la tête découpée du piston, augmente de volume et exerce une aspiration.
La partie découpée de la tête du piston se place en face de la lumière d’admission F amenant l’huile du réservoir. L’aspiration attire l’huile dans la chambre de pompe K, qui augmente de volume et se remplit aussi longtemps que le piston, en tournant, descend, et laisse ouvert l’orifice d’admission F.
Sur la figurine II, le point C de la rampe, situé à mi-chemin entre B et A, est en face de l’ergot. Le piston, en tournant, a descendu de la moitié de sa course. La chambre de pompe K a augmenté de volume et a continué à se remplir de l’huile aspirée par la lumière d’admission F.
Dans la position III, le point A, le plus élevé de la rampe, et diamétralement opposé à B, est venu se placer à son tour
Fig. 3. – Schéma de fonctionnement de la pompe à piston rotatif.
M. Vis sans fin, calée au bout du vilebrequin, faisant tourner S. et le piston P. – S. Engrenage solidaire du piston. – P. Piston proprement dit. – R. Rampe fraisée dans le pourtour du piston. – T. Ergot fixé au corps de pompe et pénétrant dans la rampe R. – H. Orifice de refoulement de l’huile. – F. Orifice d’entrée de l’huile (aspiration). – K. Chambre de pompe dont le volume varie suivant la montée ou la descente du piston. – A-B-C-D. Quatre points déterminés sur la rampe, pour la clarté de l’exposé, A étant le point le plus élevé, et B le point le plus bas de la rampe.
face à l’ergot, ce qui a eu pour effet de faire descendre le piston jusqu’au point le plus bas de sa course. La chambre de pompe K est à son volume maximum et s’est ainsi remplie au maximum d’huile fraîche. Nous remarquerons que la partie non découpée de la tête du piston va venir, par suite de la rotation du piston, fermer la lumière F, ce qui met fin à la période d’aspiration.
Refoulement – Enfin, la figurine IV nous montre le début de la phase de refoulement. Le point D de la rampe est à son tour en face de l’ergot, ce qui provoque la remontée du piston. Le volume K de la chambre de pompe diminue. La partie découpée de la tête du piston s’est tournée vers la lumière de refoulement H qui est ainsi ouverte. L’huile est chassée vers le moteur.
La phase de refoulement cessera lorsque le point B sera revenu en face de l’ergot. Nous nous retrouverons alors à la position de la figurine I et le cycle va recommencer. Le piston a fait un tour complet sur lui-même et, en même temps, il a descendu et remonté.
Remarque – Dans l’exemple ci-dessus, nous avons supposé le cas d’une pompe unique envoyant l’huile du réservoir vers le moteur.
En prolongeant l’ensemble rotatif par un second piston semblable au premier, celui-ci peut à son tour travailler dans un corps de pompe qui lui est propre, et destiné à un autre cicuit de graissage, par exemple le retour de l’huile depuis le fond du carter du moteur jusqu’au réservoir.
Nous rencontrerons cette application dans les divers systèmes de graissage « à carter sec ». Cette remarque s’applique également aux autres types de pompes.